Diane Arbus au Musée du Jeu de Paume

08 déc. 2011

DIANE ARBUS (1923-1971 NEW YORK)

MUSEE DU JEU DE PAUME (Paris) du 18 octobre 2011 au 5 février 2012

Figure majeure de l'art du XXème siècle, la photographe américaine Diane Arbus interpelle et provoque inévitablement. Le musée du Jeu de Paume, fidèle à sa vocation de "musée des sections étrangères", offre la première véritable retrospective en France de l'oeuvre de l'Américaine, composée d'environ 200 photographies provenant de musées et de collections privées.

L'avaleur de sabre, 1950's

Avant de pénétrer dans l'espace sacré où les oeuvres se voient sacrifiées sur l'autel muséal, quelques mots avertissent le spectateur habitué depuis quelques années à différentes approches devenues aujorud'hui traditionnelles : thématiques, chronologiques ou "académiques". à l'occasion de cette retrospective, aucun parti pris n'a été choisi. Ainsi que le résume le dossier de presse : "l'exposition a préféré offrir un parcours dont les oeuvres sont en elles mêmes le fil conducteur du regard du spectateur."

Nain mexicain dans sa chambre d'hôtel (1960's)

Et c'est en plein coeur du New-York des années 50 et 60 que le regard dudit spectateur plonge sans aucune protection et toujours affublé (ou non!) de ses préjugés. Car Arbus a l'étoffe des grands maîtres et ses oeuvres photographiques, la profondeur du champ adéquate pour dégager ses sujets d'une masse qu'elle analyse sans cruauté ni autre dessein que celui de rendre la réalité telle qu'elle est. Inauguré par Walker Evans, cette manière de dégager la sincérité du réel que l'on peut aussi appeler, (soyons moins lyrique), "documentaire", se poursuit dans le travail de la photographe. Là où Evans immortalisa notamment La Grande Dépression, Arbus tente avec justesse de dévoiler ce qui ne saurait être vu, par principe acquis de normalité. Elle est fascinée par ceux qui peuvent rebuter ( et nous pouvons témoigner, une femme laissa échapper un râle de dégoût en contemplant une image...non sans nous choquer nous-même!) : handicapés mentaux, jumeaux, nain, travestis etc... Ces personnages hors des normes peuplent son univers, touchants de sincérité et préservés de toute atteinte à l'encontre de leur dignité. Le regard que porte Diane Arbus sur ceux qui furent jadis nommés "créatures" est celui d'une anthropologue, qui analyse sans pathos le quotidien tout en nous renvoyant également à notre propre normalité. Des corps nus plantés dans des environnements qui pourraient nous êtres familiers sont récurrents et ces regards étrangement lumineux qui nous sont donnés à voir semblent faire eux-mêmes l'expérience de la curiosité. Arbus transcende le réel, nous renvoie aux "faits", justifiant le choix pertinent des commissaires de l'exposition de ne pas la thématiser et permettant également de rester fidèle à cette phrase de l'artiste aujourd'hui devenue célèbre : "Une photographie est un secret sur un secret. Plus elle vous en dit, moins vous en savez."

Une exposition de l'intime quoique perturbée par l'affluence des spectateurs en ce premier dimanche du mois de décembre, gênant la flânerie et la réflexion que provoquent les oeuvres de la photographe américaine, mêlant le familier au bizarre sans jamais tomber dans un voyeurisme malsain.

"Untitled" 1960's. Série des handicapés -à l'étage-

Informations diverses :

Exposition organisée par le Jeu de Paume, Paris,
en collaboration avec The Estate of Diane Arbus LLC, New York,
et avec la participation du Martin-Gropius-Bau, Berlin,
du Fotomuseum Winterthur et du
Foam_Fotografiemuseum Amsterdam.

> Cette exposition a reçu le soutien de
La Manufacture Jaeger-LeCoultre,
partenaire privilégié du Jeu de Paume,
et l’aide de l’Ambassade
des États-Unis d’Amérique en France.

> En partenariat avec A Nous, Arte, Artinfo France,
Azart photographie, Courrier International, de l’air,
La Tribune, Polka Magazine, Vogue Paris et FIP.