Exposition "Iturria, la vie comme elle va !" au Musée d'Aquitaine de Bordeaux

31 mars 2012

Après le succès de l'exposition Sempé, le musée d'Aquitaine accueille le dessinateur de presse Michel Iturria, aujourd'hui internationalement reconnu, avec une exposition temporaire, "Iturria, la vie comme elle va !"retraçant l'évolution de son travail depuis ses débuts au journal Sud Ouest jusqu'à nos jours.

Michel Iturria n’est pas qu’une figure locale régionale. Il est aussi un célèbre caricaturiste français, resté attaché à sa région, le grand sud-ouest. Ce basque né à Bordeaux en 1946 publie, depuis 1964, ses dessins et illustrations dans le quotidien Sud-Ouest. Loin d’être un caricaturiste cantonné aux politiques régionales, Iturria livre à travers ses créations une analyse raffinée et savamment dosée des événements tant locaux qu’internationaux. Inspiré par Sempé et Chaval, le dessinateur voit pour la première fois une partie de ses travaux exposés au sein du Musée d’Aquitaine de Bordeaux. Le spectateur est amené à découvrir plusieurs facettes de l’artiste et ses principaux domaines de prédilection : le régional (rugby, vin, tauromachie, identités régionales), le national et l’International. Quelques images audiovisuelles composées d’interviews et séquences du dessinateur au travail complètent ce vaste ensemble qui s'étend sur près de 600m².

Organisée de manière ludique, cette exposition permet au spectateur d'évoluer dans un espace où s’érige une vingtaine de personnages grandeur nature issus de l’univers d’Itturia tels que l'élève Grabouilleau, l'inspecteur Maigret ou encore le professeur Bierkirchnaps. Digne fils de cet art nommé caricature, Michel Itturia développe un point de vue à la fois humoristique et philosophique, n’hésitant jamais à s’attaquer aux « grands » de la scène politique nationale et internationale. L’exposition proposée par le Musée d’Aquitaine retrace ainsi 40 ans de dessins de presse où le spectateur est invité à comparer les productions d’Itturia, d’une décennie à l’autre. Cette mise en perspective judicieuse n’est pas sans nous faire réfléchir quant à la non-évolution de la résolution des problèmes en France , d'un parti politique à un autre, ou à certaines absurdités formulées par certains acteurs de la scène politique française ... à titre d’exemple, nous citerons plusieurs dessins répondants aux thématiques des banlieues. Une première caricature, publiée en octobre 98 décrit la violence dans les « marges » sociétales. En dessous et publié en 2006, un dessin nous remémore la tragédie de cette jeune étudiante brûlée vive dans un bus à Marseille. Suppressions d’emplois, suicides chez France Telecom, dans la police, marasme Jacques Seguela (« celui qui n’a pas de Rolex a 50ans a raté sa vie ») et autres sont ici analysés et ravivés en notre mémoire. A l’image du « conomètre » utilisé par le professeur Von Bierkirchnaps, le spectateur établit par lui-même le degré d’aberrations qui caractérise depuis des décennies déjà, la Vème République.

Comme en témoigne Ronald Searle, « la caricature doit se pratiquer avec l’adresse d’un chirurgien et les intentions d’un boucher ». A un mois des élections, nous sommes agréablement surpris de constater que certaines institutions muséales décident de ne pas opter pour une transparence totale. Ces dessins nous invitent tantôt à rire, tantôt à nous offusquer et contribuent tout particulièrement à rafraichir notre mémoire et à nous poser des questions peut-être plus judicieuses qu’à l’accoutumée. Ou tout du moins, d’aller au-delà des informations livrées par les mass-médias conditionnant et altérant notre jugement et notre capacité à penser par nous-même...

(Image prise sur le blog de Michel Iturria, datée du 22 mars 2012 -Ref en bas de page).

A noter que pour la première fois, le Musée d’Aquitaine réunit l’ouïe et le toucher et propose un parcours à l’usage des déficients visuels. Accompagnés par un médiateur non-voyant, ces derniers auront la possibilité d’appréhender du mieux que possible l’univers de Michel Itturia. Parmi les 280 documents exposés, 25 dessins ont été sélectionnés afin de subir un traitement en thermo-relief rendant ainsi possible la matérialisation de ces derniers à un public handicapé. Enfin, notons la présence d’une bande podo-tactile balisant le chemin que peut emprunter ce public, également appuyé par la présence de documents sonores, telles que des interviews de l’artiste.

Concluons ici cet article par un citation de Carlyle, afin d’expliquer aux sceptiques et aux détracteurs de l’humour non-conventionnel, qu'icelui peut naître de beaucoup de choses et que l’ironie, même la plus cruelle, peut (surtout !) prêter à rire :

« L’ironie rit des choses, l’humour rit avec elle. »

Notez que vous pouvez retrouver Iturria chaque jour, sur le blog de la rédaction :

http://iturria.blogs.sudouest.fr/